L’éclat clunisien du Sud-Ouest de la France
Entre coteaux du Bas-Quercy et berges du Tarn, la ville de Moissac s’est progressivement constituée autour de son abbaye Saint-Pierre. Si la légende parle d’une fondation par Clovis… Il est plus sûr de la faire remonter à l’époque carolingienne où elle est placée sous la protection du roi d’Aquitaine Louis le Pieux. Au XIe siècle, elle est rattachée à la puissante abbaye de Cluny dont un des moines, Durand de Bredons, devient le nouvel abbé de Moissac. Cette intégration à l’Ecclesia cluniacensis, confirmée par le pape en 1058, lui confère un prestige considérable.
L’augmentation des dons fonciers la font rayonner sur une grande partie du Sud-Ouest de la France. L’abbaye Saint-Pierre joue un rôle important dans l’expansion de Cluny vers l’Espagne. Elle participe grandement à la diffusion de la réforme liturgique, initiée par Cluny, dans la péninsule. L’histoire de l’un de ses moines, Géraud, devenu archevêque de Braga témoigne de ce rayonnement moissagais qui se nourrit d’échanges. De nombreux saints espagnols tels Vincent, Isidore, Eulalie, sont ainsi vénérés à Moissac. Cet âge d’or se manifeste aussi dans l’architecture. En 1063, le pape Urbain II consacre une nouvelle église abbatiale. En 1100, l’abbé Ansquitil achève la construction d’un cloître dont les 76 chapiteaux sculptés sont un véritable livre de pierre. Au XIIe siècle, les grands travaux se poursuivent avec la construction du portail de l’abbatiale, chef d’œuvre monumental de l’art roman.
Nouvel âge d’or et fin de l’affiliation à Cluny
Cette prospérité, un temps freinée par les guerres et les épidémies, est retrouvée à la fin du Moyen Âge comme en témoigne la reconstruction de l’abbatiale. Elle nous apparaît aujourd’hui dans son état du XVe siècle avec ses voûtes d’ogives, son chœur à pans coupés et son décor peint. Toutefois les parties basses ont conservé les baies en plein cintre des précédentes églises romanes. On peut y admirer de magnifiques sculptures dont un rare Christ roman en bois polychrome ainsi que des œuvres du XVe siècle dont deux Vierge de pitié et une magnifique et monumentale Mise au tombeau.
En 1466, les moines obtiennent du pape de sortir de la tutelle clunisienne. Le respect de la vie monastique selon la Règle de saint Benoît, tend progressivement à disparaitre et, en 1626, la communauté est transformée en un collège de chanoines séculiers.
Une référence mondiale
Le XIXe siècle est, pour Moissac, pire que la Révolution. L’abbaye est éventrée pour la construction de la voie ferrée Bordeaux-Sète. Une grande partie des bâtiments conventuels, dont le réfectoire, est mise à bas. Mais la chapelle de l’ancien logis abbatial, remanié au XVIIIe siècle, conserve encore les vestiges d’un décor de peintures murales réalisées a fresco à l’époque romane. Les restaurations de 2008 ont permis de remettre en lumière les couleurs médiévales, harmonies de bleus, rouges, bruns… composant un opulent arbre de Jessé et le collège apostolique.
Le cloître roman est, quant à lui, inscrit sur la première liste des Monuments Historiques de 1840. Cette protection participe probablement à lui éviter la démolition que la construction de la voie ferrée le menaçait. Au cours du 19e siècle, le cloître et le portail roman sont l’objet de plusieurs chantiers de restauration. Chef d’œuvre de la sculpture médiévale, haut lieu de la circulation des idées et des arts, l’abbaye de Moissac est, depuis 1998, inscrite au Patrimoine Mondial par l’UNESCO au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle.
Les chapiteaux de Moissac en 3D