Guillaume, duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne et de Mâcon, confie à Bernon sa villa de Cluny, dans une vallée traversée par la Grosne, à la fois proche et en retrait de Mâcon et de la Saône. L’endroit est loin d’être désert : une chapelle, une demeure seigneuriale, des bâtiments, des chemins, des vignes, des vergers, des champs, des prés, des bois, des moulins à grain, des plans d’eau et des cours d’eau, des serfs et leurs enfants… Bernon y construit une église (« Cluny I ») achevée par son successeur Odon. Pour faire face au succès rapide et grandissant qu’elle connaît, une seconde église, plus grande, (Cluny II) y est alors édifiée. Elle est consacrée en 981. Son 4ème abbé, Mayeul, profite de cette occasion pour y faire venir les reliques des apôtres Pierre et Paul. Cluny devient alors un centre de pèlerinage. Les années suivantes, la communauté ne cesse de croître et la puissance clunisienne se doit de se manifester de façon éclatante dans son architecture : Odilon, le 5ème abbé, entreprend la reconstruction des bâtiments monastiques (qui accueilleront jusqu’à 400 moines) et Hugues, son successeur, celle de la Maior Ecclesia (Cluny III), d’une longueur finale de 187 m, dont la première pierre est posée en 1088. L’église romane, la plus vaste d’Occident, est achevée en 1130, et ses parties occidentales le sont plus tard, au début du XIIIe s., pour des raisons financières.
Autour de l’abbaye se constitue un bourg important, dont les maisons romanes prolongent l’architecture de l’église. A la fin du XIIe s., le bourg est englobé par une vaste enceinte.
Durant les siècles suivants, les différents abbés poursuivent, chacun à son niveau, une politique d’aménagement des lieux : des greniers et moulins au XIIIe s., une chapelle de l’abbatiale au XIVe s., les palais abbatiaux aux XVe et XVIe s… Jusqu’à la reconstruction complète des bâtiments monastiques et du cloître au XVIIIe s. Les quarante moines encore présents à Cluny en 1788 sont dispersés trois ans plus tard, abandonnant un immense patrimoine architectural.
(sketchfab: https://sketchfab.com/models/53c2d9d62d6b4d228c5637b92fb19a95 caption: Reconstitution en 3D de Cluny III)
Une abbaye et son bourg
Les principales destructions du site se portent sur l’église abbatiale, après la Révolution, essentiellement entre 1798 et 1823, par des entrepreneurs carriers : après le percement d’une rue au milieu de la nef en 1801-1802, les clochers sont détruits à la mine en 1811 et la méthodique démolition se poursuit durant douze ans. On conserve de l’édifice le bras sud du grand transept (XIe-XIIe s.) et la chapelle Jean de Bourbon, du XVe s.
Des fouilles archéologiques ont permis la mise en valeur des structures de l’avant-nef, du mur gouttereau sud de l’église, du passage Galilée, qui reliait l’église au cloître, et de la cour de la Congrégation, qui s’étendait à l’est du passage. De nombreux vestiges médiévaux subsistent, aujourd’hui intégrés dans la ville ou l’École des Arts et Métiers : l’enceinte du monastère, en grande partie conservée ; l’ancien hospice à trois niveaux, qui abritait au rez-de-chaussée les écuries dites de « saint Hugues », superbe édifice roman construit vers 1090 ; le cellier gothique (XIIIe s.) surmonté du farinier, dans lequel sont conservés huit chapiteaux de l’ancien choeur de l’abbatiale, chefs d’oeuvre de la sculpture romane du premier XIIe s. ; le palais abbatial de Jean de Bourbon (XVe s.), qui abrite les collections du Musée d’art et d’archéologie, et celui de Jacques d’Amboise (1485-1510), siège de la Mairie. Une grande partie de l’enceinte abbatiale est restée en élévation. Elle date principalement des XIVe et XVe s., avec des réfections du XVIIIe s. Elle est encore flanquée de cinq tours romanes ou gothiques : la tour des fromages, la tour du moulin, la tour Butteveau, la tour ronde et la tour Fabry. Le cloître et les imposants bâtiments conventuels qui abritent l’École des Arts et Métiers constituent un très bel exemple de l’architecture monastique dans son expression de la fin du XVIIIe s. Un ensemble de maisons romanes et gothiques – l’un des plus importants d’Europe, après Venise - rappelle la présence d’une ville médiévale prospère aux portes de l’abbaye. En plus de deux portes fortifiées, la ville a conservé l’essentiel du tracé médiéval de ses rues.