Castle Acre est une création de William Ier de Warenne et sa femme, Gundrada, fondateurs de Lewes. En 1081-1085, des moines de Lewes s’installent près de l’église de la pré-Conquête. En 1090, William II leur attribue un nouveau terrain, à l’est du bourg, et augmente leurs dotations : il entend faire de cette « celle » un monastère optimal au plan très développé. Les moines intègrent le nouveau site vers 1100 et Castle Acre acquiert lui-même d’autres prieurés. Mais ses relations avec Lewes posent problème : en 1283, le comte de Surrey, soutenu par les moines, tente d’imposer son candidat comme prieur. L’abbé de Cluny doit trancher. Au cours des guerres contre la France, être clunisien signifie pénalités financières et restrictions, imposées aux établissements « étrangers » à partir de la fin du XIIIe s. ; pour éviter cela, le prieuré négocie son indépendance financière et administrative en 1325. L’observance clunisienne y est cependant maintenue. Le déclin s’amorce en 1535- 1537. Le duc de Norfolk en devient propriétaire et les moines de Thetford - pour l’encourager à soutenir leur propre prieuré - fournissent main-d’œuvre et matériel pour en démolir une partie !
Un site incontournable
Grâce aux ambitions des Warenne et à la pauvreté relative de Castle Acre après 1537, les tracés du plan du XIIe s., de la ville fortifiée, du château et du prieuré, sont remarquablement intacts : les bâtiments du prieuré sont parmi les mieux conservés d’Angleterre, dans un site idyllique surplombant la rivière Nar. Le témoin le plus frappant en est la façade occidentale de l’église, richement décorée par des arcatures aveugles et flanquée de ses deux tours, achevées vers 1160. Comme à Thetford, le plan de référence est celui de Cluny II. Salle capitulaire, dortoir, latrines (semblables à celles de Lewes), parloir extérieur, cellier, logis du prieur, chapelle prieurale offrent de remarquables vestiges, complétés par celles des bâtiments agricoles (moulin, grenier, grange, brasserie), ainsi que ceux d’une infirmerie et d’une hôtellerie, du début du XVIe s. Toutes ces constructions, ainsi qu’une enceinte de quarante acres englobant jardins, vergers, vignoble et étangs, étaient protégées par un haut mur de pierre dont certaines parties sont encore en élévation !