Cluny, la construction d’un «refuge» pour les pécheurs
Partons à la découverte des grandes étapes de construction de Cluny, petit monastère bourguignon destiné à devenir l’un des centres de la Chrétienté médiévale.
Cluny, la construction d’un « refuge » pour les pécheurs (1), deuxième chapitre de la série : A la rencontre des moines de Cluny
C’est en 909, ou plus vraisemblablement en 910, que le duc d’Aquitaine et comte de Mâcon Guillaume le Pieux fit don à Bernon (910-925) d’une villa carolingienne pour y implanter un nouveau monastère bénédictin : Cluny. Cette villa, édifiée depuis le milieu du VIIIe s., était notamment dotée d’une chapelle que les premiers moines utilisèrent à leur arrivée. Au milieu du Xe, une nouvelle chapelle dédiée à la Vierge, ainsi qu’une infirmerie, furent édifiés à cet emplacement.
Dans le même temps, sous l’instigation de Maïeul, débuta la construction d’une nouvelle église, Saint Pierre le Vieux, consacrée en 981, qui s’acheva au début de l’abbatiat d’Odilon (Cluny II). Sous la table de l’autel, les reliques des saints Pierre et Paul étaient exposées et mises à l’honneur dans un reliquaire de marbre qui pourrait correspondre à celui conservé dans les collections du musée de la ville.

Grâce à la présence de Pierre et Paul, Cluny s’impose comme un lieu de pèlerinage incontournable, aspirant à devenir encore plus... C’est ainsi qu’à partir de 1088, Hugues de Semur entreprend la construction de la plus grande église de la Chrétienté, la Maior Ecclesia (Cluny III).
Un miracle fondateur : la naissance de la Maior Ecclesia
« La multitude des frères peut à peine supporter l’étroitesse de notre basilique et nous voulons que l’abbé lui même donne l’ordre d’en édifier une plus grande » (2)


Tels sont les mots qu’aurait prononcés l’apôtre Pierre lorsqu’il apparut en songe à Gunzo, abbé de Baume-les Messieurs alors que ce dernier était gravement malade. Accompagné de Paul et du martyr Étienne, Pierre lui promit la guérison s’il réussissait à convaincre l’abbé Hugues de Semur de construire une nouvelle église. Gunzo s’empressa alors de rejoindre Cluny pour raconter à l’abbé ce qu’il venait de voir. (3)
C’est ainsi - à la demande de saint Pierre lui-même ! – que naquit la Maior Ecclesia, dont il ne reste aujourd’hui que le grand transept et le clocher de l’eau Bénite, témoins de l’immensité de cet édifice qui mesurait près de 187 mètres de long et 40 mètres de haut, doté de cinq nefs et clochers et de deux transepts.

Cluny, nouveau centre de la Chrétienté
L’autel majeur de la nouvelle abbatiale, dédié au Christ, à la Vierge, aux saints Pierre, Paul ainsi qu’au martyr Étienne est consacré par le pape Urbain II en 1095. Au début du XIIe siècle, doté de la plus grande église de la Chrétienté, Cluny devient une véritable « petite Rome ». La multitude des reliques conservée en ses murs font du monastère un lieu sacré dans lequel les moines prient en continu, veillant au salut de l’âme des chrétiens.

Laura Attardo
Chargée de mission scientifique - Clunypedia
Fédération Européenne des Sites Clunisiens
Doctorante à l'Université Paul-Valéry de Montpellier
Les moines de Cluny et l’image : un discours ecclésiologique à travers les manuscrits enluminés clunisiens (Xe-XIIIe siècle)
clunypedia@sitesclunisiens.org
Notes
1 Dans son De Miraculis, Pierre le Vénérable (1122-1156) qualifie Cluny de « refuge singulier et commun des pécheurs » (De Miraculis Libri duo, éd. BOUTHILLIER D., 1988, I, 9, p. 36, l. 41s).
2 Renaud de Vézelay est l’auteur de deux Vies de saint Hugues éditées dans : RAINALDUS VIZELIACENSIS, Vita Hugonis Cluniacensis, éd. HUYGHENS R.B.C., CCCM 42, p. 39-67.
3 Ce récit unique a exceptionnellement été illustré dans un manuscrit tout aussi unique conservé à la BnF, le ms. Latin 17716. Copié au début du XIIIe siècle, il constitue un recueil de pièces relatif à l’histoire de Cluny, a été composé à l’initiative de l’abbé Guillaume II (1207 1215).
Illustrations
Fig. 1 : Vase-reliquaire conservé à Cluny. © Laura Attardo.
Fig. 2 (gauche) : Apparition des saints Pierre, Paul et Etienne à l'abbé Gunzo. Paris, BnF, Latin 17716, f. 43r.
Fig. 3 (droite) : Gunzo s’adresse à l’abbé Hugues et aux moines de Cluny. Paris, BnF, Latin 17716, f. 43r.
Fig. 4 : Croisillon du grand transept sud de l’abbatiale de Cluny III. © Centre des monuments nationaux - David Bordes.
Fig. 5 : Consécration de Cluny III par le pape Urbain II. Paris, BnF, Latin 17716, f. 91r.
Bibliographie indicative
BAUD A. et SAPIN C., Cluny : les origines du monastère et de ses églises, Paris, 2019.
BAUD A., Cluny, un grand chantier médiéval au cœur de l'Europe, Paris, 2003.
CONANT K. J., Cluny, les Églises et la maison du chef d’ordre, Mâcon, 1968.
MEHU D., « Anne Baud et Christian Sapin, Cluny : les origines du monastère et de ses églises », Cahiers de civilisation médiévale, 256 (2021) (en ligne).
PAPOUNAUD B. -H., « Les reliquaires du monastère », in Dossiers d’Archéologie, 419 (2023), p. 54-57.